Les raisons sociales

Qu’est-ce que c’est et comment les utilise-t-on ? Comment les orthographier ? Quelles sont les erreurs à éviter ? Voici des réponses qui pourront éventuellement vous aider à vous donner raison.

Une raison sociale, c’est tout simplement la dénomination d’une entreprise, c’est-à-dire les noms de sociétés, les noms de compagnies, les noms sous lesquels des individus font des affaires, les noms de coopératives et les noms d’associations.

Générique et spécifique

Encore une fois (comme pour l’écriture des noms de lieux), il sera nécessaire de bien distinguer le générique du spécifique dans un nom d’entreprise. La partie générique de celui-ci désigne le type d’entreprise alors que la partie distinctive (le spécifique) identifie l’entreprise elle-même. Nous reconnaissons facilement ces deux parties dans Boucherie Les trois petits cochons.

Que les génériques et les spécifiques soient très simples (en un seul mot) ou plus complexes (mais rarement trop, car personne n’aurait idée de faire des affaires avec des gens compliqués !), ils obéissent tous à peu près aux mêmes règles.

Quelques règles simples

Le générique précède généralement le spécifique comme dans l’exemple ci-dessus. Remarquez les deux majuscules : une première au début du générique et une deuxième au début du spécifique (quelle que soit leur longueur). Les noms propres par essence qui font partie des raisons sociales conservent toujours, il va de soi, leurs majuscules. Si le générique désigne une profession ou un métier, il peut arriver que l’ordre soit inversé, avec insertion d’une virgule et rétablissement d’une minuscule : Jeanne Ladouceur, dermatologue. L’on rencontre aussi des raisons sociales qui ne comprennent que la portion spécifique : Bell Canada, À la source. Il n’y aura donc qu’une seule majuscule (en plus, encore une fois, de celles des noms propres par essence).

Adjectif, article, perluète et compagnie

Si la partie distinctive se réduit à un simple adjectif, ce dernier se pliera à la règle de la majuscule au début du spécifique : Restaurant Moderne. Normalement, l’article défini ne devrait pas faire partie du générique, ni donc prendre la majuscule : Le mois dernier, les Bains flottants Ovale invitaient leurs plus anciens clients à flotter gratuitement. Quand le premier mot de la raison sociale est au pluriel et précédé d’un article, et que celle-ci est sujet de la proposition, on fait généralement l’accord.

Le symbole &, si difficile à calligraphier surtout pour les francophones, porte le joli nom de perluète (ou esperluette). Il ne s’utilise que pour joindre des noms de personnes (Black & Decker) ou dans les expressions figées & Fils, & Associés, etc.; remarquez la majuscule au deuxième terme.

Le mot compagnie ne s’abrège que dans l’expression et Cie (ou la variante & Cie) mais non ailleurs (Compagnie générale de frais funéraires). Notons que l’on devrait remplacer, dans notre correspondance, le terme général compagnie par celui d’entreprise ou ceux de firme ou société (sauf entre autres dans le cas des assurances et des arts de la scène). Si l’indication du statut juridique fait partie intégrante de la raison sociale, les expressions limitée, incorporée et enregistrée s’abrègent et ne prennent pas, contrairement à l’anglais, de majuscule : ltée, inc. et enr.

Dénomination propre

Les raisons sociales sont des dénominations propres et, comme pour les noms de personnes, de lieux, d’organismes, nous devons dans l’ensemble en respecter les particularités orthographiques. L’on ne se permettra aucune modification lorsqu’on les mentionne dans un texte à caractère juridique. Mais, dans certains cas, il s’avère parfois souhaitable d’intervenir sur le plan, par exemple, de la longueur si l’on ne perd rien dans l’identification précise de l’entreprise (Société Radio-Canada et Radio-Canada, Via Rail et Via, Le groupe La Laurentienne et La Laurentienne, Quebecor inc. et Quebecor) ou sur celui de l’orthographe si l’on ne veut pas laisser croire que l’on a fait soi-même la faute ou la souligner indûment (doit-on reproduire la forme fautive Enrg. ?).

Il ne faut surtout pas hésiter à téléphoner à une entreprise et à en vérifier le nom exact. L’on se fiera sans trop de crainte au nom qui figure dans l’annuaire du téléphone ou trouvé à partir du moteur de recherche 411 (http://www.canada411.ca), sauf en ce qui concerne les majuscules (l’on a poussé l’aberration jusqu’à en mettre partout, même à de, et, l’, etc.).

Certaines entreprises conservent les traces d’anciennes appellations ou sont très souvent mal nommées; mentionnons, entre autres, Hydro-Québec (que l’on fait précéder à tort de l’article défini), Costco (anciennement Club Price), Statistique Canada (avec s), Musée des beaux-arts de Montréal (avec deux majuscules à beaux-arts).

Il n’est pas toujours facile de déterminer si l’on a affaire à une raison sociale ou à une dénomination propre mentionnée dans un texte. Comparez l’emploi des majuscules dans les phrases suivantes : La Ville de Montréal a recruté trois nouveaux urbanistes (entité administrative) et La ville de Montréal attire de plus en plus les touristes japonais (toponyme); Faites votre chèque à l’ordre de l’Hôtel Delta Montréal (raison sociale) et Descendons à l’hôtel Delta (l’établissement lui-même).

L’on trouvera l’ensemble des règles et renseignements donnés ci-dessus dans le site Internet de Druide informatique (http://www.druide.com/points_de_langue_12.html). Chaque explication est brève et claire, et est accompagnée d’exemples. Le Multidictionnaire de la langue française les a résumés dans un tableau synoptique à la page 1218 de sa troisième édition. Quelques points traités ici et surtout les aspects juridiques de l’utilisation des raisons sociales sont explicités dans le site Internet de l’Office québécois de la langue française (http://www.olf.gouv.qc.ca), mais malheureusement non encore regroupés au même endroit. On les consultera tout de même avec raison.